
De Asuncion (Paraguay) a Salta (Argentine)
L'Argentine est toute proche
d'Asuncion : le Rio Paraguay fait frontière. Le seul
« hic » est que le pont qui enjambe le cours d'eau est situé 20
km au nord (détour de 40 km). On apprendra en cours de route qu'un bac
faisait la navette berge à berge. En Argentine, la petite ville de
Clorinda témoigne déjà de la différence de richesse entre les deux
pays : rues en majeure partie asphaltées, voitures françaises
récentes…Peu après, nous nous dirigeons vers Formosa à 100 km au Sud.
Objectif : trouver des « pesos » (les deux distributeurs
de Clorinda étant « momentanément indisponible »). Entre les
deux villes, aucun village, uniquement des prairies marécageuses
entrecoupées de forêts de palmiers – caroubiers. Les vaches nous
regardent venir de loin, puis lorsqu'on arrive à leur hauteur, elles
fuient au pas de course se réfugier dans leur palmeraie. A gauche de la
route, entre celle-ci et le Rio Paraguay, s'étend une
« estancia » appartenant une famille d'origine française. 85000
Ha de terres humides en font une des plus grandes propriétés de la
région.
Fazenda au Brésil, finca ou estancia au
Paraguay et en Argentine, ces trois dénominations désignent une réalité
absente en Europe (en tous cas, à un degré moindre) : la terre est
ici symbole de richesse, de pouvoir, objet de spéculation…Dans des pays
quasiment pas industrialisés comme le Paraguay, la terre endosse le rôle
de principal moteur de l'économie. Que ce soit au Brésil, au Paraguay ou
en Argentine, le « capitalisme » de l'exploitation agricole
semble très marqué. En résumé, un patron (le propriétaire terrien)
embauche un minimum d'employés et exploite un maximum de surface (et pour
les cultures, utilise un maximum d'engrais). Avec un prix moyen de 1000 $
/ Ha (terre cultivée au Paraguay), les investisseurs jonglent avec des
centaines voire des milliers d'hectares. Il en résulte un problème de
paysans sans terre encore non résolu au Paraguay.
Concrètement, cela veut dire quoi, pour nous
cyclo-voyageurs ?
Tout est grillagé, clôturé, barricadé sur
des dizaines voire des centaines de kilomètres ; les immenses
portails des estancias sont cadenassés et les bâtiments principaux sont
souvent à plusieurs centaines de mètres de la porte d'entrée. En bref,
trouver un endroit où camper est un « casse-tête » quotidien.
D'autant plus que l'autorisation de pénétrer sur un terrain ne se demande
qu'au patron (le propriétaire), que celui-ci est les ¾ du temps absent et
enfin, que les employés sont dans l'impossibilité de prendre une décision
en l'absence de leur hiérarchie. Ces problèmes de camping seront
rencontrés en Argentine 100 km au nord de Formosa et pendant 200 km à
l'ouest.
Plus loin, le grillage disparaît à peu près
au moment où les cactées apparaissent, les vaches, chèvres et autres
chevaux savourent la liberté des grandes espaces ; la nature reprend
ses droits : la savane et la brousse d'épineux forment le paysage.
Cette partie du Chaco argentin (le Chaco Deprimido) correspond aussi à
une des régions les plus pauvres d'Argentine. Les habitants sont
majoritairement indiens ou métissés. Le niveau de développement se
rapproche localement de celui du Burkina Faso (excepté l'électricité). Un
jour, un chauffeur s'arrête pour nous dire qu'il n'y a rien à voir ici
(« aqui, nada ! »), pour nous dire qu'on vient de perdre
une semaine de nos vacances. Un autre jour, dans la seule petite ville
traversée sur près de 700 km (Ingeniero Juarez), en nous serrant les
mains, une jeune fille nous remercie solennellement d'être passer ici.
Certes, si les paysages de cette fameuse route 81 n' ont pas été
grandioses, pédaler sans voiture ni camion (ou presque) pendant 10 jours,
a été assez appréciable. Enfin, parmi les particularités de cet axe, on
peut signaler la fréquence assez élevée de contrôle de nos papiers
d'identité.
Une fois par jour en moyenne. « mucho
droga plata » nous dit-on. « Bolivia : droga plata ;
Paraguay : droga plata ; aqui : nada, no droga
plata ». On aura retenu la leçon. Dans le Chaco Deprimido argentin,
il n'y a rien. Pas d'argent de la drogue, pas de drogue, pas d'argent,
pas de bitume, pas de beaux paysages.
Soudain, au km 600 environ, les vaches
deviennent plus grasses, l'herbe plus haute et plus verte, les cactus se
raréfient et on commence à percevoir à l'horizon une sorte de
« ligne bleue des Vosges ». Le piémont andin, couvert de forêt
tropicale luxuriante est bientôt à notre portée. Les cultures tropicales
(canne à sucre, banane, tabac…) font leur apparition en même temps que
les grillages et estancias gardées par des vigiles. Avant l'arrivée à
Salta, nous traversons une « forêt des nuages » (une végétation
tropicale qui se développe sur les flancs des montagnes de cette partie
de la Pré-cordillère) et faisons l'expérience inoubliable d'un camping dans
cette région. Une rosée telle qu'il faut éponger la toile de tente toutes
les heures pendant la nuit, des gouttes d'eau qui vous tombent sur le
visage, un sac de couchage qui s'est finalement avéré étanche (pourtant
ce n'est pas son rôle)…Avant la descente vers Salta, on retrouve les
cactus, la caillasse et les touffes d'herbe éparses.
Après la monotonie du Chaco, on ne va pas se
plaindre des contrastes !
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