
De Foz Do Iguaçu (Brésil) à Asuncion
(Paraguay)
On commence à être habitués :il suffit
que l'on descende de selle dans le but de faire un peu de tourisme pour
qu'il se mette à pleuvoir. On parviendra à se rendre aux chutes d'Iguazu
(côté argentin) entre deux averses. Nous passons la frontière Brésil –
Paraguay en empruntant le Pont de l'Amitié qui enjambe le Rio Parana. Le
pont en question est embouteillé à tel point que même à vélo il est
difficile de se frayer un passage. Chaque jour, à pied, à bicyclette, en
voiture, des milliers de Brésiliens viennent faire leurs courses dans le
pays voisin meilleur marché. Par l'anarchie qui y règne, par le nombre de
commerçants de rue, Ciudad del Este fait penser à une métropole
africaine.
Peu après la sortie de la ville, nous
bifurquons vers le Sud pour éviter la grosse voie Ciudad del Este –
Asuncion (le principal axe de communication du pays : 3 routes
forment en gros le réseau asphalté du Paraguay : une boucle par le
Sud et Encarnacion, la Transchaco et l'axe Ciudad Del Este – Asuncion).
10 km plus tard, nous prenons connaissance du pire revêtement que peut
rencontrer un cycliste : le pavage de pierres brutes. 25 km de
secousses, de fourmillements dans les bras et une moyenne de 10 km/h. La
suite va consister en un « jeu de pistes » pour éviter au
maximum ces séances de massage. Un restaurateur compréhensif va nous
concocter un itinéraire uniquement en terre pendant 200 km jusqu'à
rejoindre l'asphalte. Munis d'une liste de villages (lesquels ne figurant
pas sur la carte tout comme l'itinéraire en question), nous entamons la
traversée de l'Alto Parana.
Cette région du Paraguay était encore
couverte de forêt vierge il y a 25 ans. Les Brésiliens alors en quête de
terres ont été sollicités par le gouvernement paraguayen pour mettre en
valeur la contrée. Les « brasileros » fondèrent alors des
colonies et développèrent la culture du soja. Aujourd'hui, la coopérative
Pindo, que nous avons visitée (merci à Claude Hurard dit « le
Français » est un des exemples de cette réussite : 40000 Ha
traités avec 500 exploitants. Le revers de la médaille est l'atteinte au
paysage : on a du mal à s'imaginer au niveau du tropique. La forêt
ne subsiste que par endroits et on perçoit que sa fin est proche.
A San Juan, on arrive au Paraguay des
« Paraguayens ». Les buffets chauds variés sont remplacés par
les restaurants de poulet. On vous sert un poulet entier pour deux et une
patate douce chacun (d'où à la télévision, les nutritionnistes qui
incitent les Paraguayens à manger moins de viande). L'espagnol souvent
très accentué guarani ( la seconde langue officielle) devient quasiment
incompréhensible (on ne reconnaît même plus les questions
classiques : d'où tu viens ? Où vas tu ? A
bicyclette ?! Depuis combien de jours ?…etc). Enfin, le
Paraguay, c'est aussi le maté : dans la rue, la moitié des gens se
promène avec une thermos et leur infusion de maté (que l'on boit à l'aide
d'une « paille » métallique) et il n'est pas rare de voir des
conducteurs s'abreuver au volant de leur Chevrolet. Le tuyau métallique a
entre autres avantages celui de voir la route tout en buvant !
Asuncion est une ville agréable pour les
touristes car ces derniers sont inexistants (ou presque). Du coup, les
mendiants ne sont pas stressés, font la conversation (d'où tu
viens ? Où vas tu ? A bicyclette ?! Depuis combien de
jours ?…etc) avant de vous demander quelque chose. La France est
bien loin : quelqu'un nous a demandé quelle langue on parlait en
France : anglais ? De notre côté, on se dit aussi qu'il y a un
mois, on ignorait l'existence de la langue guarani. En bref, nous pouvons
classer le Paraguay dans notre sélection des pays « banlieue de la
planète ». A ce niveau, il y a pire ou mieux : le Chaco.
Cette région correspond à toute la partie
Nord – Ouest du Paraguay annexée suite à la guerre du Chaco contre la
Bolivie, dans les années 30. Aujourd'hui, le Chaco, c'est 100000
habitants (Montreuil-Sous-Bois, Seine-St-Denis) pour 247000 km² (la
moitié de la France), une brousse d'arbustes épineux, quelques cactus,
des arbres non identifiés, des oiseaux verts, des serpents, une route
goudronnée : la Transchaco, des mennonites, des vaches autour des
colonies de mennonites et des indiens. Un lieu à visiter absolument
surtout vous avez du temps (on en a). Les soutes du bus de 14H00 sont
pleines de légumes : impossible d'y caser deux vélos. On attendra
22H00 pour prendre le bus de nuit. Arrivée à Filadelfia le lendemain
matin. La colonie Fernheim de Filadelfia fut la première colonie
mennonite du Chaco. Venus du Canada dans les années 1925 où ils ne
pouvaient appliquer librement leurs règles de vie, le gouvernement
paraguayen leur a proposé des terres, les a dispensés du service
militaire, de l'apprentissage de l'espagnol…etc. En échange, les
mennonites permettaient à l'état paraguayen de s'affirmer dans une zone
où les frontières étaient mal définies (guerre du Chaco quelques années
plus tard avec la Bolivie). Depuis, les mennonites ont prospéré dans
l'élevage, ont presque transformé un désert en Normandie paraguayenne
(sans la pluie, c'est là le défi). Seul point noir : la petite ville
de Filadelfia possède un hôpital psychiatrique. L'heure n'est pas encore
au mélange. Mais les mennonites de Filadelfia ne vivent pas comme au 19
ème siècle comme on se l'est un temps imaginé. Ils ressemblent tout
simplement à des Allemands de Kehl ou de Berlin.
Dans le domaine du cyclisme, seule la
Transchaco est praticable (les pistes sont fréquemment ensablées). Du
coup, la boucle prévue devient un aller-retour de 160 km Filadelfia –
Mariscal Estigarribia – Filadelfia. C'est tellement plat et droit que
l'on voit pendant 3 minutes les véhicules qui nous doublent avant qu'ils
ne dépassent la ligne d'horizon. Mariscal Estigarribia (du nom du
« glorieux conducteur de la guerre du Chaco ») est un no man's
land avec une grande publicité Coca Cola (alors qu'on n'y a pas trouvé la
célèbre boisson), une station Shell et un camp militaire.
Nous passons l'après-midi dans un
« restaurant » dont nous paraissons être à peu près les seuls
clients. En milieu d'après midi, la cuisine s'active, on ne sait
pourquoi. Puis, à 17H00, un bus de Boliviens venant de La Paz (et
comprenant aussi deux familles de « vrais » memmonites en robe
à fleurs et foulard pour les femmes ;en chemises à gros carreaux,
bretelles et chapeau pour les hommes) s'arrête net devant le restaurant.
Un contrôle anti-drogue des Boliviens a lieu au sein même de
l'établissement. Pendant ce temps, le chauffeur de bus aide le
restaurateur à servir sandwichs, œufs, boissons…etc. Le contrôle
anti-drogue dure une heure (même après la séance de reniflement du chien,
agendas et autres calculatrices sont minutieusement et
professionnellement fouillés). « Business is business ».
Le soir, avant de monter notre tente sur la
terrasse du restaurant, nous faisons la rencontre d'un Autrichien qui vit
ici depuis 34 ans. Me voyant jouer avec mon appareil photo, il me propose
de prendre en photo « le tigre ». Explication : en
novembre 2003, lors d'une partie de chasse à 80 km de Mariscal, cet homme
s'est fait surprendre par un jaguar de 140 Kg et a tué la bête à bout
portant d'une balle dans la tête. Il me montre une cicatrice sur le
menton laissée par le fauve. Outre la peau de la bête, j'ai aussi le
privilège de voir ses armes : fusil (dont la crosse a été fendue par
le jaguar ; chargé), pistolet « de compétition »
(également chargé) et poignard.
Après le Chaco
paraguayen, retour sur Asuncion et départ pour le Chaco argentin dont la
traversée nous mènera au pied de la Cordillère des Andes.
Pour voir les photos c'est ici
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