De Zagreb (Croatie) à Sighisoara (Roumanie)
Arrivée à Zagreb sous la pluie par une route
faite de dalles de béton accolées (ou presque, c'est bien là le
problème). Dans un salon de thé, on demande au serveur la direction de
Zagreb (sous-entendu le centre-ville):
"Mais vous êtes à Zagreb!
-Et le centrum?
-A 10 km d'ici."
Nous prenons alors la mesure de l'étendue de
la capitale croate (et surtout du nombre de "HLM"). Les
tramways occupent la partie droite des boulevards: pour les vélos, pas
d'autre choix que d'emprunter le trottoir. Parvenus à joindre le centre
(lui-même vaste), nous nous faisons aborder par deux étudiantes: Marina
et Eva. Elles suivent une formation de journalisme à l'université de
Zagreb. Marina nous mitraille avec son appareil photo et toutes deux nous
questionnent sur le voyage. Elles nous invitent à partager leur repas à
la cantine de la faculté. En les quittant, on est loin de s'imaginer que
cette rencontre va bouleverser notre passage en Croatie. En effet, le lendemain,
la serveuse d'un café dans lequel nous nous sommes protégés de la pluie
nous tend un journal: une des photos de Marina occupent une demi-page
d'un quotidien croate: le "Vecernji List" édition de Zagreb. A
partir de cet instant, nous ne sommes plus des anonymes (A Zagreb, en
tous cas). Tout au long de la journée: klaxons, appels de phare, cafés
offerts, pizzas de midi offertes, interview en studio par une radio
locale (Radio Martin)...etc. Tous ces petits évènements compensent les
caprices de la météo. Au fur et à mesure des kilomètres parcourus, notre
notoriété s'estompe (nous sortons à la fois de l'aire de diffusion du
journal et de celle de la radio) mais la générosité des gens rencontrés
ne faiblit pas.
La Hongrie: c'est en gros le bassin du
Danube et c'est très plat. Les premiers Roms que l'on croise sont une
famille entière sur une charette tractée par des chevaux. Plus tard, nous
constatons en fait la présence d'une nombreuse population de Roms "intégrés":
une maison, un chien, une Trabant, bref vivant comme tous les Hongrois
(ou presque). Ils sont aisément identifiables: ils ressemblent à des
Pakistanais ou à des Hindous. A l'approche de Pecs, des baraquements et
des immeubles très délabrés nous informe sur la manière dont la Hongrie
loge ses pauvres. Les centre - villes sont en effet assez peu révélateurs
de la richesse d'un pays. Pecs, Bruges ou Vienne: peu de différences.
Pecs, principale ville du Sud de la Hongrie, a une population de Roms
assez importante pour qu'on y ait construit le premier et l'unique lycée
rom de Hongrie: le lycée Gandhi. Pecs a aussi une histoire tourmentée:
aux confins de l'empire des Habsbourg, elle fut longtemps tiraillée entre
les Autrichiens et les Turcs. Elle fut pendant près de deux siècles sous
la domination de ces derniers (16ème / 17ème siècle). Le témoin le plus
marquant de cette histoire est l'église - mosquée: les Turcs se sont
servis des bases d'une église romane pour ériger une mosquée puis après
le départ des Ottomans, les catholiques ont transformé l'intérieur à la
"sauce" gothique et ont rajouté une croix au sommet du dôme de
la mosquée. Au Sud de Pecs, des villages sont encore habités par des
minorités allemandes: les noms des lieux sont parfois écrits dans les
deux langues: hongrois et allemand. A l'origine, ces Allemands jouaient
un peu le rôle de bouclier humain pour protéger l'empire des invasions
ottomanes. Plus à l'Est, Szeged a été entièrement inondée à la fin du
19ème siècle par une crue de la rivière Tizla puis reconstruite grâce à
la générosité / solidarité des pays européens. Ironie du sort, le jour où
nous sommes passés à Szeged, la Tizla avait débordé. Le "bac"
permettant de faire passer les voitures sur l'autre rive (direction
Maraslele) ne pouvant fonctionner, nous passons avec nos vélos chargés
sur une barque à moteur. Le passage de la rivière Tizla s'apparente plus
à la traversée d'un lac. Sur l'autre rive, la route nous appartient:
aucune voiture n'a pu passer! A Békéscsaba, ville hongroise quasiment à
la frontière roumaine, nous dormons chez une Hongroise mariée à un
Malien. Elle parle parfaitement le français: cette rencontre est donc
l'occasion pour nous d'en savoir un peu plus sur la Hongrie. Elle nous
fait part de son "tiraillement" intérieur entre "l'ancien
régime" et l'économie de marché: d'un côté, l'autorisation de sortir
du territoire une fois tous les 3 ans mais aussi une vie faite de
plaisirs simples mais authentiques, de l'autre côté, l'accès à tous les
produits du monde occidental mais aussi l'accroissement des inégalités
sociales, l'augmentation des prix (due aux importations). Elle nous fait
part aussi de l'amour de son pays: nostalgie des territoires perdus
(Transylvannie en 1918) apparemment commune à de nombreux hongrois.
Nous entrons en Roumanie par le poste
frontière de Salonta. Le premier camping sauvage roumain a lieu au milieu
d'un "no man's land": prairies humides, grenouilles
assourdissantes, cà et là quelques traces d'occupation humaine: une grue
rouillée, une station-service abandonnée...Salonta, la première ville
nous fait déjà prendre conscience de la pauvreté du pays: barres
"HLM", magasins peu approvisionnés (en fait, les gens semblent
avoir recours à l'auto - suffisance pour une grande partie de leur alimentation),
routes à "nids de poules" ou non bitumées. A la campagne, on
croit remonter le temps: femmes lavant le linge dans la rivière, sur les
voies: peu de voitures: beaucoup de gens à vélo ou même à pieds, paysans
labourant à la charrue attelée à des boeufs. Les paysages sont par
ailleurs magnifiques: le "vert" a fait une éclatante apparition
sur les monts de Transylvannie. Le camping sauvage sur les propriétés
privées ne pose aucun problème et les gens s'étonnent même qu'on leur
demande la permission: "Nicht probleme! Nicht probleme!". Les
habitants sont très attentionnés: il nous est même arrivé que l'on vienne
"toquer la porte" de notre tente pour nous offrir 2 cafés, une
verre d'eau-de-vie, des oeufs durs et du pain. A Copsa Mica, des gens
nous appellent du haut de leur immeuble et nous invitent à prendre une
tasse de café. Puis on nous sert un repas et finalement, on nous présente
toute la famille. En résumé, en Roumanie, on apprécie autant les paysages
que leurs occupants. Nous sommes actuellement à Sighisoara, ville natale
de Vlad Tepes, prince de Dracula.
Pour voir les photos c'est ici
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